Mon prof est un troll
de Dennis Kelly
Un regard d’enfant posé sur les questions du totalitarisme, de l’injustice, et de la révolte. Alice et Max sont deux enfants turbulents. Pas une seule bêtise ne leur échappe pour faire tourner en bourrique leur institutrice, qui finit par rendre les armes. Arrive alors un nouveau directeur : un troll.
Il règne sans pitié sur l’école en forçant les élèves à travailler toute la journée dans une mine d’or ; à chaque sottise, un enfant est dévoré par la créature. Alice et Max tentent de se révolter mais aucun adulte ne semble prendre au sérieux leur détresse.
Le texte de Dennis Kelly fait partie de ces fables racontées aux enfants pour leur épargner la cruelle réalité sans qu’ils en soient dupes pour autant. Si la réalité mène à la fiction, la fiction permet une meilleure appréhension de la réalité. Derrière cette école, il y a le grand monde qui gronde : la représentation trollifique d’une dictature, l’exploitation du travail des enfants, la prise de conscience de ce qu’est l’injustice, la notion de bouc émissaire et, surtout, la figure du barbare, au sens étymologique : «qui ne parle pas notre langue», l’étranger dont on ne saisit pas immédiatement la culture, et que l’on rejette.
Il n’y a pas de morale dans Mon prof est un troll, aucun fondement éthique, juste le regard de deux enfants sur une société complexe.
Un théâtre-récit
En préambule de Mon prof est un troll, on trouve l’indication suivante : « Une pièce pour deux acteurs et un troll ». Aucune réplique n’est cependant distribuée, le texte est un conte choral dans lequel Dennis Kelly n’identifie jamais les narrateurs. Dès lors, sous forme de théâtre-récit, les acteurs racontent autant qu’ils interprètent leurs personnages, sollicitant constamment l’imagination du spectateur. Mais c’est bien à travers le regard d’Alice et Max que l’histoire nous est transmise : un conte pour enfants, racontés… par des enfants.
Un Pierre et le loup contemporain
À la chambre d’enfants érigée comme scénographie, s’ajoute une dimension sonore essentielle. Il s’agit d’inventer une forme fluide et légère, ludique et imagée, comme l’est le texte, et d’y mêler une création sonore dans la perspective d’un Pierre et le loup contemporain. Les personnages sont nombreux et interprétés par peu d’acteurs ; afin de ne pas se perdre dans la profusion du récit, des thèmes seraient composés pour chaque protagoniste (le troll, M. Macroute, les élèves dévorés, les adultes interpellés etc.).
Il s’agit de raconter une histoire, dans un réduit comme dans une immensité, de se faire peur, et d’interroger avec les yeux de l’enfance un monde qui pourrait facilement et rapidement sombrer dans l’absolutisme si l’on venait à manquer de vigilance.